À l'approche des élections présidentielles programmées en avril prochain, l'Algérie s'apprête à redevenir le terrain de jeu des kremlinologues. Pour quelques mois, les observateurs vont tenter de disséquer des luttes de pouvoir byzantines dont seuls les initiés saisissent la logique. Le monde non-vivant de la politique attirera ainsi le regard des amateurs de spectacle morbide et absurde, tandis que la majorité des Algériens restera probablement à l'écart du cirque électoral. Soucieux de respecter le rejet populaire tout en dépeignant le pays au terme du quatrième mandat du citoyen B, nous proposerons plutôt une perspective décentrée. Au cours des prochains mois, nous voyagerons en Afrique, dans les Hauts Plateaux, et au pays de Mickey. Bien sûr, nous nous tenons prêt à revenir vers le cœur politique du pays à tout moment, si les manifestations ayant éclaté aujourd'hui donnent naissance à un mouvement de contestation de grande ampleur. Les Algériens gardent ainsi la main sur notre itinéraire. De la périphérie, nous ne perdons pas de vue l'essentiel: la lutte politique pour l'établissement d'un contrat social assurant justice et dignité à tous les citoyens. En attendant, et en hommage à Daho Ould Kablia, ancien ministre de l'Intérieur qui soupçonnait jadis ses citoyens d'aller à la plage plutôt que de voter, nous commençons cette série avec une vue de la mer. À cette fin, nous bénéficierons des éclairages de l'anthropologue Tarik Dahou et du chercheur en science environnementale Ibrahim Boubekri.
La mer occupe une place particulière dans l'histoire de l'Algérie moderne. Elle fut jadis la modalité d'insertion des côtes d'Afrique du Nord dans les jeux militaires, diplomatiques et commerciaux internationaux. Ce sont deux marins originaires de l'île grecque de Lesbos, les frères Barberousse, qui conquirent et organisèrent le territoire ayant Alger pour capitale, avant de le rattacher à l'empire Ottoman en 1519. C'est aussi de la mer que déferlèrent les troupes françaises qui plongèrent le pays dans 132 ans de nuit coloniale. Par la Méditerranée, l'Algérie fut construite comme havre de la piraterie, royaume anomique et entité rétive à discipliner puis conquérir.[1] Mais la mer était aussi un espace de normalisation et de coopération, par lequel l'Algérie « barbaresque » fut amenée à établir des relations bilatérales et s'insérer dans les circuits financiers globaux.[2]
Par-delà la Méditerranée, l'Algérie est souvent ramenée à un mélange de mystère, de violence et de souffrance sociale. Caractérisées par leur nature soi-disant anomique, les côtes nord-africaines seraient les points de départ de ces flux qui traversent les cartes européennes du risque (terrorisme, migration, trafic de drogue). Les fantasmes reviennent cycliquement, avec la marée. La mer charrie néanmoins aussi son lot de vérités. Elle donne à voir une Algérie complexe, en développement, où gouvernement et citoyens négocient en permanence un modus vivendi sous tension.
La gouvernance de la mer
La mer est située au carrefour de nombreux enjeux centraux pour l'Algérie contemporaine, comme la pêche, les migrations ou le transport maritime. À la fois ressource économique, tissu social et zone à protéger, elle est un espace d'intervention essentiel pour le gouvernement algérien. Ainsi, Ibrahim Boubekri et Tarik Dahou dépeignent une gouvernance de la mer des plus complexes, du fait de la multiplication des acteurs et de la rencontre d'intérêts antagonistes.
Ibrahim Boubekri: « La gouvernance de la mer pose problème en Algérie en raison de la politique sectorielle adoptée depuis plusieurs années. Plusieurs ministères peuvent intervenir sur un même territoire, un même port de pêche par exemple, mais sans réelle coordination ni intégration entre leurs agendas. L'absence d'un organisme jouant le rôle de « gestionnaire du littoral » favorise les conflits d'usage et les confrontations entre les différents acteurs. Au final, le plus grand perdant sont d'abord l'environnement mais aussi les populations locales qui dépendent de ces ressources car leurs revenus sont menacés. »
Tarik Dahou: « Les politiques de pêche et de conservation marine peinent à s’articuler du fait de conflits de compétence entre différents secteurs de l’État. Ainsi, dans le parc national d’El Kala que j'ai étudié, on pouvait relever des conflits d’approches et de politiques entre la direction de la pêche et celle des parcs nationaux, chargées de la surveillance des aires marines protégées. Évidemment, les acteurs maritimes s’engouffrent dans ces conflits pour éviter davantage de régulation de leurs pratiques, y compris lorsqu’ils mènent des activités de pêche illégale qui pourraient être entravées par une surveillance accrue. »
La mer révèle ainsi les difficultés du gouvernement à organiser, exploiter et préserver un écosystème de manière cohérente. Les limites de l'état algérien et les contradictions entre ses services ne sont sûrement pas exceptionnelles. On peut y voir une preuve de la sectorisation d'un appareil étatique tout ce qu'il y a de plus moderne, avec la bureaucratisation et la compétition entre acteurs qui en résultent partout dans le monde. La société s'adapte alors, et certains groupes sociaux cherchent à tirer profit des failles gouvernementales. Dans le même temps, Ibrahim Boubekri et Tarik Dahou pointent du doigt deux enjeux essentiels pour l'Algérie en 2019 : la protection de l'environnement et la précarité socio-économique.
Environnement et développement
La question écologique est d'autant plus sensible qu'elle mène à une réflexion sur les stratégies économiques gouvernementales. Environnement et développement demeurent des enjeux centraux dans un contexte postcolonial. La doxa héritée de la révolution algérienne lie en effet la protection du territoire national à l'amélioration des conditions matérielles de la population. Or cette relation est aussi largement contradictoire, dès lors que la poursuite du développement économique s'est souvent faite au détriment d'une approche écologique, résultant dans une dégradation environnementale apparente dès les années 1980.[3]
Tarik Dahou: « à partir de la libéralisation de la fin des années 1990, l’Algérie a initié une politique de privatisation du secteur de la pêche en démantelant la société publique qui en avait la gestion et en finançant un accroissement des armements. Dans la foulée, elle a adhéré à nombres de réglementations environnementales internationales. Lors de la dernière décennie l’Algérie continuait toutefois à subventionner l’activité de pêche et à investir dans l’accroissement de la flotte, cas unique en Méditerranée. Si l’augmentation de l’effort de pêche a été tardif, cette politique étatique a tout de même conduit à des problèmes de durabilité des stocks de pêche. »
Ibrahim Boubekri: « L'un des plus grands fléaux pour les écosystèmes marins en Algérie est la pollution plastique. Les fonds marins sont submergés par les déchets ménagers et plus particulièrement le plastique. Il y a plusieurs raisons à cela, mais à mon avis la plus grande défaillance réside dans l'absence de politique de traitement de déchets. La majorité des communes côtières ne disposent pas de moyens logistiques nécessaires pour gérer les décharges publiques. L'autre constat amère est que l'état des stocks halieutiques ne cesse de se dégrader, et ce pour deux raisons principales: la pollution d'origine terrigène et les méthodes de pêche destructives, notamment la surpêche et la dégradation des habitats. »
Les zones côtières algériennes sont exposées aux ravages d'un système économique basé sur l'exploitation des ressources nationales qu'il s'agisse de poissons sur les côtes ou d'hydrocarbures dans le Sahara. Dans un contexte où le gouvernement n'a que tardivement pris la mesure de l'impact de ses politiques développementalistes, la crise environnementale impacte les fonds marins, les villes et les paysages, et menace aussi bien les écosystèmes que les modes de vie. Les pouvoirs publics ont pourtant intégré la notion de développement durable à leurs discours et à leurs politiques. Cela ne gomme pas pour autant les contradictions. Alors que le gouvernement s'efforce de redynamiser le secteur du tourisme en valorisant son littoral (qualifié de « balcon sur la Méditerranée »), le développement des stations balnéaires va de pair avec la saturation du foncier et l'exploitation des ressources locales. Les efforts gouvernementaux pour diversifier l'économie algérienne rajoutent ainsi un nouvel élément de stress sur des écosystèmes côtiers déjà mis à rude épreuve.[4]
Marges sociales et précarité économique
Si les enjeux environnementaux ont pris une place croissante depuis la fin de la guerre civile, y compris sous la forme de mouvements sociaux majeurs, les questions socio-économiques restent prioritaires. La place de l'économie informelle et la part croissante des emplois temporaires nourrissent une précarité endémique. Comme l'explique Ibrahim Boubekri, le secteur de la pêche est loin de faire exception à la règle.
Ibrahim Boubekri: « En Algérie, les trois quarts de la flottille de pêche sont de type artisanal, avec des petites embarcations de moins de 12 mètres. Les conditions dans lesquelles ces pêcheurs artisanaux exercent leur métier sont très précaires, depuis les pratiques de pêche jusqu'à la vente et la commercialisation du produit. Ce secteur se gère toujours d'une manière très traditionnelle et les pêcheurs font face à des périodes de chômage fréquentes durant l'année, sans aucun support de la part des autorités. Cela peut être à cause de la rareté du poisson ou de conditions météorologiques ne permettant pas les sorties en mer en raison d'équipements de navigation très limités. Cela fait qu'une très grande partie de pêcheurs exercent un métier en parallèle, car il est très difficile de subvenir aux besoins de leurs familles avec une activité soumise à tant d'incertitudes. »
Sous cet angle, on serait tentés de voir l'Algérie depuis la mer au prisme unique de la pauvreté voire du désespoir, nourris par les manques de l'État. C'est d'autant plus le cas que la Méditerranée est aussi l'espace de la harga, l'émigration vers l'Europe d'une jeunesse en quête d'avenir et confrontée à des pouvoirs publics alternant approche punitive et paternalisme méprisant. La mer, alors, devient le mur enfermant la génération née durant la guerre civile et le cimetière où reposent ses espoirs.[5] Si l'image ne manque pas de force, elle ne rend cependant pas justice à la résilience des acteurs, harraga ou pêcheurs, et à leur capacité tant à défendre leurs intérêts qu’à contraindre l'État. C'est un point essentiel aux yeux de Tarik Dahou.
Tarik Dahou: « Les questions de pêche illégale et de contrebande ont pris une importance considérable dans les modes de vie des populations côtières habitant une zone frontière comme celle d’El Kala. Le fait que les populations vivent d’activités illicites change le rapport à l’État. Celui-ci est non seulement placé dans une situation d’illégitimité, mais aussi forcé de renégocier ses modalités de contrôle social et économique. Tout en participant de l’extension de ces pratiques illégales, à travers la corruption de ses administrations et corps de contrôle, il doit également adapter ses interventions en fonction des contextes locaux. Par exemple, lorsque l’État tente de limiter l’expansion de l’exploitation frauduleuse du corail, il se heurte parfois à une levée de boucliers des contrebandiers qui se traduit par des actes violents. Il lui arrive alors de reculer afin de laisser ce trafic se perpétuer, tandis qu’il assure des sources de revenus conséquentes à une région marquée par le manque d’emploi. Observer la gouvernance de la mer au niveau local révèle ainsi la capacité des acteurs sociaux, y compris ceux situés à la marge de la clientèle captive, ceux engagés dans l’administration et l’emploi formel, à influencer le gouvernement et l’état. »
Le domaine de l'illégalité délimite donc aussi des espaces de contournements concédés par les pouvoirs publics sous la pression de certains groupes sociaux. Sur la plage durant l'été, les jeunes qui font payer les vacanciers pour garer leur voiture ou profiter d'équipements bien souvent mis à disposition par les mairies sont un autre exemple de cette négociation à la marge. En dépit des promesses de fermeté du gouvernement, cette « mafia des plages » est tolérée par les autorités locales. À leur manière, les loueurs de parasols limitent les violences et imposent une forme d'ordre sur les plages privatisées illégalement. En dépit de leur précarité, ou précisément à cause de celle-ci, ils contraignent les pouvoirs publics à leur concéder une position d'intermédiaires informels.
Souveraineté et Globalisation
Vue de la Méditerranée, l'idée erronée d'une impuissance sociétale est accompagnée d'une autre représentation tout aussi fallacieuse : celle d'une nation isolée et arc-boutée sur sa souveraineté. La mer, nous l'avons vu, est parfois décrite comme un mur enfermant le Sud. Il y a sûrement quelque chose de Braudelien dans la manière dont les opérations menées par Frontex réalisent la fracture entre les deux rives de la Méditerranée.[6] Les acteurs Nord-Africains amenés à collaborer avec l'Union Européenne ne manquent d'ailleurs pas de dénoncer un espace méditerranéen servant les stratégies économiques européennes, en opposition aux intérêts nationaux des pays du Sud. La situation est pourtant loin d'être aussi simple.
Tarik Dahou: « Le politique en Algérie est souvent analysé exclusivement à partir de la dimension nationaliste de l'exercice du pouvoir ou de l'autonomie résultant de la rente pétrolière. Pour autant il n’en subit pas moins l’influence de la transnationalisation de la société et de l’économie. Celle-ci est visible à partir des espaces frontaliers où des réseaux de contrebande internationaux se développent. Les mécanismes d’accumulation économique au niveau des frontières révèlent l’importance des flux internationaux pour les populations, y compris de ceux résultant d'une globalisation par l’illicite. Ce constat permet également de repenser l’exercice de la souveraineté par l’État. Au-delà des lois et de l'exercice de la violence légitime sur le territoire national, cette souveraineté se révèle également le produit de rapports ambigus à l’illicite pour les acteurs de la frontière, qu’ils soient ceux qui circulent ou ceux chargés du contrôle des circulations. »
à force de discours sécuritaires, la Méditerranée est dépeinte comme un espace de la contrebande et de la traite des êtres humains. La mer a été construite comme une zone frontière, où différents régimes de sécurité se déploient pour repousser le danger, le risque, l'abjection. Dans cette périphérie barbare, l'état du Sud est décrit comme absent ou en faillite. Pourtant, cet État demeure essentiel, à la fois comme partenaire des Européens et producteur des irrégularités.[7]
Tarik Dahou: « Au-delà de la rhétorique nationaliste qui proclame la pleine indépendance de l’Algérie à l’égard de la mondialisation économique, une globalisation économique par l’illégal se développe et fait désormais partie intégrante des formes de gouvernement. Tout en se nourrissant de ces flux, les acteurs de l’État et les contrebandiers participent d’une « offshorisation » de l’économie algérienne. Cette dynamique a différents impacts au niveau politique et social. D’un côté, elle éloigne encore plus les populations concernées et acteurs de l’État d’un projet collectif national et elle sape les bases des institutions de souveraineté. De l'autre, elle est partie intégrante de la mécanique du pouvoir de l’état, qui y trouve des ressources pour son hégémonie en jouant des opportunités d’accumulation par les filières illicites. Il s’agit donc d’une dynamique de souveraineté paradoxale. »
Cette idée d'une souveraineté paradoxale est importante à plus d'un titre. D'abord parce qu'elle permet de comprendre comment la production du légal et de l'illégal, du droit et du passe-droit, demeure un ressort essentiel de la gouvernance algérienne en 2019. Elle permet aussi de resituer l'Algérie dans un cadre plus large, transnational, régit par des mécanismes de solidarités officiels (traités, coopération sécuritaire, accords économiques) et officieux (évasion fiscale, prisons clandestines, trafics). Vue de la Méditerranée, l'Algérie prend part à la gestion des flux migratoires et à la guerre contre la terreur. Ses représentants proposent d'accueillir les migrants refoulés par l'Allemagne et de partager leur expérience en matière de réconciliation nationale et d'anti-terrorisme avec leurs partenaires régionaux. Loin d'être autonome et isolée, l'Algérie s'insère dans des régimes de sécurité transnationaux. Elle intègre les réseaux illicites ou officiels qui régulent et organisent les espaces frontaliers.
En bref, ce qu'une vue de la mer révèle, c'est un pays qui continue son processus de transformation sous tension. Bien souvent, les priorités sont contradictoires et les raccourcis des discours officiels incapables de rendre justice à la complexité du monde social. Confrontés à des défis multiples, les acteurs s'adaptent néanmoins, jusqu'au plus haut niveau de l'État. L'Algérie se tend, proteste, négocie, résiste. Elle subit néanmoins l'effet du ressac de la globalisation, dont les vagues sculptent un paysage en perpétuelle transformation.
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Lectures utiles:
Ibrahim Boubekri et Abdallah Borhane Djebar, 2016, « Marine protected areas in Algeria: Future marine protected area of “Taza” (SW Mediterranean), continuing challenges and new opportunities facing an integrated coastal management », Ocean & Coastal Management, n°130, pp. 277-289.
Ibrahim Boubekri et al., 2018, « Structure and spatio-temporal dynamics of the artisanal small-scale fisheries at the future MPA of “Taza” (Algerian coast, SW Mediterranean) », Mediterranean Marine Science, n°19(3), pp. 555-571.
Tarik Dahou, 2011, « Trends come and go. The community remains. », Cahiers d'Etudes Africaines, n°202-203, pp. 395-414.
Tarik Dahou, 2018, Gouverner la mer en Algérie. Politique en eaux troubles, Paris, Karthala.
[1] Leïla Ould Cadi Montebourg, 2006, Alger, une cité turque au temps de l’esclavage : À travers le Journal d’Alger du père Ximénez, 1718-1720, Montpellier : Presses universitaires de la Méditerranée, pp. 215-254.
[2] Hannah Farber, 2014, « Millions for Credit: Peace with Algiers and the Establishment of America's Commercial Reputation Overseas, 1795–96 », Journal of the Early Republic, Vol. 34, No. 2, pp. 187-217.
[3] Salah Eddin Zaimeche and Keith Sutton, 1990, « The degradation of the algerian environment through economic and social ‘development’ in the 1980s », Land Degradation & Development, Volume 2 Issue 4, pp. 317-324.
[4] Tarik Ghodbani, Othmane Kansab and Abdelaziz Kouti, 2016, « Développement du tourisme balnéaire en Algérie face à la problématique de protection des espaces littoraux. Le cas des côtes mostaganemoises », Études caribéennes, n° 33-34.
[5] Hakim Abderrezak, 2018, « The Mediterranean Seametery and Cementery in Leïla Kilani’s and Tariq Teguia’s Filmic Works », in Yasser Elhariry and Edwige Tamalet Talbayev, Critically Mediterranean, New York: Palgrave Macmillan, pp. 147-161.
[6] Sur l'Islam comme un intrus dans la Méditerranée de Braudel, voir Claude Liauzu, 1999, « La Méditerranée selon Braudel », Confluences Méditerranée, n°31, pp. 179-187.
[7] Paul A. Silverstein, 2005, « The New Barbarians: Piracy and Terrorism on the North African Frontier », The New Centennial Review, Vol. 5, n°1, pp. 179-212.